Il y a plusieurs mois je publiais ce tableau. Aujourd'hui je vous dévoile son origine: il y a quelques années je m’étais amusée à écrire une pseudo nouvelle, en retombant dessus j'ai eu envie d'essayer de l'illustrer.
Je vous livre mes essais, tâchez de ne pas trop vous moquer
Le vent cache toujours une blessure secrète. Hors des drames courants de l'existence, il peut produire une mélodie, retenir un moment dérobé au temps, révéler une évidence que la tranquillité parfaite des paysages dilue.
Ce soir là, dans une petite chambre au sud de la France; le vent jusqu'alors léger et quasi inexistant, devint soudain si fort qu'une jeune fille ne put réprimer un sursaut et s’asseoir tremblante sur la chaise la plus proche, face à la fenêtre.
Les arbres puissamment malmenés, dont les feuilles s'agitaient telles mille danseuses mues par une force invisible et irrésistible, avaient la grâce aérienne des petits rats de l'opéra. Face à cet étrange spectacle, le promeneur attardé au dehors pouvait distinguer l'ombre quasi irréelle de la jeune fille contemplant les arbres dansants.
- Lisa? Lisa, tu es là ? Lisa ?
Quelqu'un frappait.
Lisa sortit un instant de sa torpeur, elle était incapable de dire depuis combien de temps elle était là, assise, à regarder le vent se jouer des passants égarés et des arbres fragilisés.
- Oui, oui. J'arrive.
Kate entra et posa joyeusement ses lèvres sur la joue de son amie en un baiser sonore.
- Alors ça va? Dis donc, tu en as mis du temps à me répondre.
Elle était la meilleure amie de Lisa depuis environ huit ans ; et bien que toutes deux soient très différentes, elles étaient très attachées l'une à l'autre.
En regardant son amie, Kate ne pu s'empêcher de remarquer l'air mélancolique et absent de Lisa.
- Qu'est ce qu'il t'arrive? Tu en fais une tête!!!
Lisa une nouvelle fois dû sortir de ses pensées, et bien qu'elle eu préféré mille fois rester seule, elle répondit à Kate, s'efforçant de garder un ton agréable.
- Non, ce n'est rien, ne t'inquiète pas. C'est ce temps, il me rappelle un viel ami. en fait, à chaque fois que le vent se lève, je repense à Lucas.
Lisa pensait en être quitte pour les questions mais c'était sans compter sur la curiosité de Kate. Quand elle croisa le regard de son amie, celle-ci la fixait avec une attention toute particulière, un sourire malicieux aux lèvres.
- Lucas?? Qui est-ce? Ton ancien petit ami?!?
Cette question Lisa la détestait, elle représentait pour elle le comble de la curiosité; elle qui appréciait tant la discrétion!
Une nouvelle fois , elle regarda par la fenêtre et contempla le spectacle du dehors. Ne pouvant étouffer un soupir, elle se retourna vers son amie, puis, lentement, ses yeux revinrent à la fenêtre. C'est dans un murmure qu'elle finit par s'exprimer.
- C'était il y a longtemps......., j'avais rencontré Lucas par hasard. Avec des amis nous étions allés écouter un groupe de musiciens jouer dans un bar; Lucas était le frère d'un copain. Il s'était pris de passion pour la guitare et avait décidé d'en faire sa vie. Je sais que ça parait banal, mais il y avait quelque chose de surprenant qui s'opérait en lui quand il écoutait le groupe; on aurait dit qu'il prenait réellement vie dès que les premiers accords se faisaient entendre; tout en lui s'animait, si bien qu'au bout d'un moment je ne pouvais détacher mes yeux de lui et j'en oubliais tout. Lucas me captivait littéralement.
Je ne sais plus comment nous avons été amenés par la suite à nous fréquenter, mais je me souviens l'avoir revu souvent.
Lisa s’interrompit un instant, parler de tout cela la mettait mal à l'aise; elle n'avait jamais raconté cette histoire, et à cet instant même, elle se demandait si elle n'avait pas eu tort.
De son côté, Kate, s'était maintenant assise sur le lit; elle regardait Lisa avec une curiosité non dissimulée, pressentant qu'elle allait partager un secret mais ignorant totalement l'essence profonde de ce dernier. Alors qu'elle s’apprêtait à interroger de nouveau son amie, celle ci , les yeux toujours rivés à la fenêtre reprit d'une voix basse.
- lorsque nous nous retrouvions, Lucas me parlait de la musique et de sa guitare. Je ne sais aujourd'hui s'il était capable d'aborder un autre sujet; quoiqu'il en soit, son amour pour la guitare avait une telle pureté qu'il me passionnait et qu'à chaque fois j'en oubliais le monde extérieur. A force de nous rencontrer nous étions devenus des amis véritables, et bien qu'ayant toujours le même sujet de conversation, jamais je ne me lassais de l'écouter parler. Un jour où le vent soufflait comme aujourd’hui , il m'emmena chez lui afin de me faire entendre ce qu'il jouait. A la fin de son mini récital, il m'avoua que ses parents ne parvenaient pas à admettre et à reconnaître son engouement pour la musique. Comme tous parents bien intentionnés à l'égard de leur enfant, ils aspiraient à voir leur fils mener une existence qu'ils qualifiaient de stable et décente. Décente! Comme ce mot révoltait Lucas! Et au lieu de chercher à comprendre le raisonnement de ses parents que la peur de l'inconnu poussait à choisir des arguments rationnels pour orienter l'avenir de l'enfant qu'ils chérissaient, Lucas s'enfermait irrémédiablement dans une thébaïde inexpugnable, sourd à toutes idées susceptibles de réfreiner sa passion.
A cet instant Lisa fait face à son amie et lui sourit tristement; dans un murmure elle ajouta
-A t'on déjà vu aucune passion souffrir des limites ou des restrictions, ou encore être raisonnable...
Le silence se fit de nouveau dans cette petite chambre du sud de la France. Seul était encore audible le bruit du vent agitant la cime des arbres.
Kate n'osait plus parler, pressentant une catastrophe inéluctable, elle regarda, à son tour, sans en connaître encore la raison, le ballet qui se jouait au dehors. Lorsque Lisa reprit le cours de son histoire, la brusque rupture du silence la mit mal à l'aise; oui, elle en était certaine, Lisa allait lui faire part d'un drame jusqu'alors jamais révélé. Elle eu envie de quitter la chambre en courant, mais elle était incapable de bouger; elle voulait savoir, elle voulait savoir ce que Lucas était devenu.
-Par son attitude Lucas n'arrangeait certes pas les choses, plus aucun dialogue avec ses proches n'était possible. Il avait la très nette impression d'être incompris et se confortait de plus en plus dans des rêves exaltés de gloire et de célébrité.
J'appris ce même jour que son désir le plus cher était de mourir sur scène d'une overdose de cocaïne, en plein concert, adulé par des milliers de fans... Désemparée par de tels propos que j'étais loin de subodorer, je n'ai alors que pu tenter de le modérer. Mais un rêve comme une passion ne se modère pas. C'est ainsi qu'il me mit à la porte clamant à qui voulait l'entendre que j'étais comme les autres.
Une fois dehors, je regrettais mes propres mots que j'avais pourtant voulu modérés. Mais je connaissais Lucas il était inutile d'essayer de lui parler aujourd'hui. C'est donc l'âme en peine que je rentrais chez moi bien décidée à reprendre la discussion et a lui faire comprendre la raison de ma réaction par la suite. Mais la vie nous réserve parfois des imprévus et je ne devais jamais revoir Lucas.
A nouveau Lisa faisait face à la fenêtre; d'un geste brusque elle l'ouvrit et exposa son visage au vent et à la pluie qui s'était mise à tomber. Les gouttes d'eau ruisselant sur son visage faisaient penser à une multitude de larmes perlées qui semblaient ne jamais pouvoir se tarir.
Kate, un instant soulagée par ce qu'elle pensait être la fin du récit ne put à son tour réprimer un sursaut quand Lisa ouvrit la fenêtre. Elle contemplait interloquée l'étrange spectacle de son amie ainsi offerte; et c'est d'une toute petite voix qu'elle lui demanda.
-Tu sais ce qu'il est devenu?
Sans bouger d'un pouce Lisa lui répondit
-Le jour où je pus enfin aller voir Lucas, comme un fait exprès il faisait le même temps qu'aujourd'hui. Je me souviens très bien que vers 16 heures le soleil s'était brusquement mis à briller, mais le vent toujours omniprésent avait gardé son souffle glacial. Je ne trouvais personne chez lui. De retour chez moi je fus prise d'angoisse, un sentiment de panique m'envahissait, j'étais sûre qu'il était arrivé quelque chose à Lucas. Ce n'est que deux jours plus tard que j'appris ce qu'il s'était passé.
Lucas, n'en pouvant plus de cette incompréhension non plus familiale mais générale, avait fini par réussir à se procurer de la cocaïne. Tôt dans l’après midi, il avait ouvert la fenêtre de sa chambre et s'était mis à jouer après avoir pris soin d'absorber toute la drogue.
C'est étrange, il aimait jouer de la guitare quand il y avait du vent, il disait que si les feuilles bougeaient c'était au rythme de sa musique ou bien pour l'applaudir; il aimait aussi que le vent amplifie ses morceaux. A l'entendre cela leur donnait un son irréel. Si j'en crois le temps, ce jour là, il a joué somme jamais il ne l'avait fait, et il a du être heureux de voir les éléments naturels ainsi déchaînés...
Selon les médecins, son cœur s'est arrêté de battre vers 16 heures, et ce n'est sans doute que le pur fruit de mon imagination que de penser que le soleil s'est levé pour l'accueillir dans sa chaude lumière. Il est mort d'une overdose, son organisme pas habitué aux substances chimiques n'a pas supporté l'absorption de cocaïne.
Aujourd'hui Lucas n'est plus, mais je n'ai de cesse de penser à lui. Et certains jours de rafales, lorsque les passants se protègent du vent, il me plaît à croire que la musique de Lucas les dérange, que c'est parce-qu’ils l'entendent enfin et qu'ils regrettent leur incompréhension qu'ils se cachent du vent. Alors moi, ces jours là, je sors et lui offre mon visage et mon âme, puis je me joins aux feuilles qui tourbillonnent au rythme de sa musique pour l'applaudir une dernière fois. Tu entends les feuilles bouger dans les arbres, elles sont autant d'applaudissements que nous lui avons refusés.
Mais je le sais heureux. Lucas joue désormais avec le vent, il joue avec les anges. Quel meilleur concert pouvait il espérer donner que celui des cieux. Il joue pour l'éternité car le vent toujours souffle.
- Quelle drôle d'histoire......dire que j'y ai presque cru!!! Pauvre Lisa, elle devait vraiment beaucoup l'aimer pour d"railler de la sorte.
Machinalement Kate se retourna pour un instant contempler l'étrange paysage qu'offrait le vent dans les arbres. Au même moment, les feuilles mortes s'envolèrent dans un gigantesque tourbillon, comme une multitude d'applaudissements lors de l'ultime morceau d'un concert, Sans parvenir à réprimer un cri de surprise elle sursauta. C'était donc vrai! Elle l'entendait, elle entendait la musique de Lucas! il lui semblait que cette rafale d'une incroyable violence lui était destinée, tel un cri, un appel.
Debout, les yeux comme ceux de Lisa peu de temps auparavant, rivés à la fenêtre, Kate percevait clairement maintenant les dernières notes de la mélodie qui lui parvenait du dehors. Et comme le soleil revenait et que le vent se calmait, elle cru distinguer entre les branchages un visage qui lui souriait.
Lisa referma la porte et se retrouva seule dans l'obscurité de sa chambre. Son amie Kate partie, elle se sentait tristement apaisée, elle savait que désormais elle ne serait plus la seule à pouvoir entendre jouer Lucas et elle se dit qu'elle le lui devait bien.
Comme elle s'apprêtait à sortir elle s'immobilisa sur le seuil de la porte. Était-ce possible, quelqu'un applaudissait dans la chambre voisine
Pfiou...j'ai la gorge qui me pique! Très belle "histoire" (certes triste) qui m'a procurée beaucoup d'émotions! Tristesse, Amitié, Amour, Beauté...! Quelle écriture! Tu es mon idole! Bravo mon artiste préférée! J'aimerai t'avoir prêt de moi pour te faire un énorme câlin et te chuchoter : "tu es mon héroïne"!
RépondreSupprimerJ'oubliais...Très belle interprétation de ton tableau! Je le comprends! merciiiiiii!
RépondreSupprimerQuel beau récit empreint de douceur, de douleur et d'une certaine philosophie de la vie qui passe, ponctuée par des bonheurs éphémères et par des malheurs qui nous plongent dans l'angoisse, le vide sidéral, et l'incompréhension parfois. Mais on peut toujours renaître des cendres avec une force de caractère affirmée. Je vois que tu aurais pu aussi devenir une écrivaine qui nous aurait sans doute entraîné dans un monde extraordinaire. Ton tableau est un chef-d'oeuvre et de ce fait je ne peux pas le critiquer; il me suffit de le regarder et d'y revenir sans cesse; tellement je suis émerveillé par l'ensemble des couleurs si bien couchées sur la toile. (Modestement elles me font penser à une toile que j'avais peint il y a quelques années et que j'ai offert à ma fille Agnès.) A la prochaine :)
RépondreSupprimerPour avoir lu tes poèmes d'enfant, puis d'ado, je savais que tu écrivais bien, mais là, je reste "scotchée" par ton récit.
RépondreSupprimerImagination, sensibilité, profondeur, style.... étaient et sont toujours au rendez-vous. Il me suffit de t'écouter parler, de lire tes petits mots, tes cartes pour en être persuadée.
Ta nouvelle m'a beaucoup émue et tu sais pourquoi:) . Elle ne prête ni à rire ni à se moquer.
Tu as de multiples talents qui méritent d'être exploités et j'espère que tu parviendras à te réaliser dans tes domaines de prédilection.
Tu le mérites vraiment et tu as besoin de créer pour être heureuse.
La peinture et maintenant l'écriture ! Je suis "espenté "
RépondreSupprimerBravo ma fille, je suis fier de toi.
Bobdilons
Un bon voyage entre ton tableau et ton poème, je suis fière d'avoir une belle-sœur comme toi. Grosse bise
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